Un orage violent me poussa à prendre refuge dans une grotte. Je m’engouffrais rapidement dans ce caveau lugubre. Étonné de constater que mes allumettes étaient sèches, j’enflammais avec empressement les brindilles qui formaient un petit tas devant mes pieds. Grelottant dans mes vêtements mouillés, je me recroquevillais pour savourer la tiédeur des flammes séchant mon visage. Le bois tordu que je venais de rajouter au feu crépitait, tandis que la caverne s’éclairait progressivement en faisant apparaître le relief des crevasses travaillées par le ruissellement du temps. Le grondement du tonnerre se prolongeait dans les couloirs lointains du terrier. Je me mis à frémir de peur tel un homme de Neandertal que j’imaginais ignorant des phénomènes de la nature. Mais cette pensée me surprit soudain : « mon ancêtre était-il vraiment aussi ridicule que moi, homo sapiens ? » Ma réflexion se poursuivit dans cette atmosphère étrange de cœur de montagne. Étant assurément, en cet endroit et en ce moment, le seul représentant de mon espèce, je me sentais abandonné et certainement plus démuni qu’un Australopithèque devant le déchaînement des éléments. Si j’avais été en possession d’un émetteur-récepteur de micro-ondes 6V/m pulsés, j’aurais attendu, tranquillement, après avoir appelé du secours.
Pour l’instant, la compagnie du minuscule brasier me renvoyait à ma solitude. Je me mis à soliloquer. J’existais ainsi par le son de ma voix que je projetais sur les parois pour ne plus me sentir seul et désemparé. Mes mots se réfléchissaient altérés, déformés, transformés en sons inconnus. Je tentais de saisir le charabia de cet étrange vocabulaire : « ConGruEnCe », « reLatiOn », « EnTeNdeMent », « inDivIduAtiOn », « aLtéRité ».
Je ne comprenais pas ces sons incongrus qui bourdonnaient dans mes oreilles. J’avais beau chercher dans ma mémoire, ces perceptions ne me rappelaient rien de connu. Peu à peu, je devinais que les signes qui résonnaient dans mon esprit provenaient d'une dimension spatio-temporelle potentielle. Tout cela était insensé. Je réalisais alors que la raison quittait ma conscience. Sur cette révélation, mon corps se remit à grelotter et, plus il grelottait, plus il s’enfonçait dans la roche et, plus le tonnerre tonitruait. Mes pensées se détraquaient. Je me sentis raidir en disparaissant lentement dans le sol. Je n’en pouvais plus de ce cauchemar sépulcral. Je devenais effroyablement dément. Une pensée surgit dans l’obscurité de mon esprit tandis que je passais de l’autre côté du miroir : « une conscience recluse est une nuit sans étoile ! » Je me réveille dans une chambre sobre et lumineuse. Je rassemble mes idées : « quelle est cette réalité ? » L'immense fenêtre s'ouvre sur le ciel. Les rayons du soleil réchauffent mon visage. Je cligne des paupières et vois apparaître un être léger, presque aérien. Son visage rayonne la douceur. De son sourire émane la sérénité. Il s'approche doucement et dit d’une voix délicate : « bonjour, bienvenue dans votre voyage intérieur »